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Le Spleen des Petits

Chaque seconde de notre vie est dédiée à une action, chaque seconde a un but, le temps passe constamment et j’écris ces lignes en puisant dans ce temps qui m’est précieux. Mais qui d’entre nous, qui d’entre vous, serait capable, volontairement de ne rien faire pendant une certaine durée ? Qui serait capable, dans l’espoir d’avoir une hypothétique prise de conscience, de renoncer à ce temps qui nous est précieux, enfin, qui, en admettant que l’on puisse réellement passer deux heures sans aucune distraction, pourrait réellement avoir une prise de conscience sans rien faire ? J’ai relevé le défi, je suis resté deux heures au même endroit, je me suis privé de tout, de tout, sauf de moi-même.

Il m’a fallu du temps pour me résoudre à relever ce défi, qui est, pour tout ceux qui accordent une importance au temps, difficile à réaliser. Je me suis d’abord demandé comment j’allais me tenir pour passer les deux heures, j’ai d’abord songé à m’asseoir sur mon lit puis sur une chaise et enfin de rester debout, j’ai finalement retenu la chaise. Les premières minutes je me suis d’abord demandé pourquoi je faisais ça et si j’arriverais à tenir jusqu’à la fin, il m’a fallu du temps pour accepter cette position dans laquelle je me trouvais, au bout d’un moment je me suis dis que j’y resterais donc autant mettre à profit ce temps et penser, réfléchir. Penser pendant deux heures peut-être quelque chose de compliqué sans entrainement, il m’arrivait de ce fait, périodiquement de scruter un point de ma chambre les yeux vides en ne pensant pas à grand-chose il faut le dire, ce dont je vais parler dans ce court texte c’est des brefs mais néanmoins présents et réguliers moments ou j’ai eu des pensées “intéressantes”, il faut dire que pendant cette durée de temps mes réflexions allaient de la comparaison entre la texture des chocolats “côte d’or” il y a cinq ans et maintenant et des réflexions sur la vie en général, nous ne parlerons pas du chocolat.

En premier lieu j’ai essayé de me persuader que je ne perdais pas mon temps en me disant que cette expérience je la faisais dans un but scolaire, ce n’est pas vain, ce n’est pas “inutile” J’ai ensuite commencé à douter, même si je le fais dans un but scolaire, atteindrais-je forcément le but escompté ? Aurais-je des réflexions plus intéressantes que celle que j’ai habituellement, vais-je réellement avoir le courage de continuer en sachant que mon futur est incertain ? J’ai ensuite eu un bref éclair sur deux mots : “futur” et “incertain”, je fais cette expérience en sachant que peut-être, après deux heures, je n’aurais rien mais n’est-ce pas la même chose dans ma vie ? J’étudie, j’espère faire les études que je veux faire mais c’est incertain, pas seulement parce qu’une catastrophe naturelle pourrait avoir lieu et mettre prématurément fin à ma vie mais surtout parce que je peux ne pas être accepté dans l’école ou je souhaite aller, ou je pourrais plus simplement échouer au baccalauréat et recommencer l’année, j’aurais peut-être à refaire cette expérience dans un an, mais la referais-je ? Je n’ai toujours pas de réponse à cette légère réflexion. J’ai du coup commencé à sentir mon coeur battre, il n’y avait aucun bruit dans ma chambre, j’avais même fait sortir mon chien, non sans douleur je dois le dire, ce manque de bruit m’avait fait sentir les légères vibrations de mon coeur, je me suis dis que j’étais vivant, j’étais un être vivant, un corps de chair et d’os,.. comment de la matière peut se rassembler et créer un être vivant, comment les mêmes particules que celles qui composent les structures de ma maisons peuvent, en petit groupe, faire subsister mon corps ? Tout ce qui nous entoure est un monde de particule, nous évoluons dans un bloc, nous ne sommes pas dans un vide mais dans un bloc, nous ne le voyons pas forcément, pas tout le temps en tout cas mais nous respirons de la poussière, nous ne respirons pas que de l’air et si nous ne voyons pas ça, ne le ressentons pas comment pourrait-on imaginer que l’air que nous ne voyons pas est en fait un immense bloc, un espace solide. L’air qui nous entoure n’est pas visuellement un espace solide, alors pourquoi nous, êtres-vivants que nous sommes, vivons, pourquoi ce qui nous compose contrairement à l’air qui nous entoure ne se sépare pas, ne nous divise pas et ne nous tue pas, qu’est-ce qui empêche mon bras de tomber par terre et de se pulvériser en atomes en fracassant le carrelage sous mes pieds ? Qu’est-ce qui retient la Terre, qu’est-ce qui fait que les planètes et les astres qui nous entourent ne se vaporisent pas, réduisant l’univers à une simple bouillie informe ? Pour mon propre bien j’ai essayé d’arrêter de penser à ça, je préfère me complaire dans un paradis illusoire que d’imaginer la dure réalité, si je me retrouvais à la place de Néo dans Matrix je prendrais la pilule bleue pour pouvoir retourner à mes occupations et oublier que le monde qui m’entoure n’est pas celui qu’il semble être.

Après approximativement une heure je me suis projeté dans le futur, ou du moins j’ai essayé, j’ai simplement imaginé ce que je voulais imaginer, j’ai imaginé un futur ou mes projets seraient mis à bien, un futur ou ma vie se serait déroulée sans accroc, aucun. C’était encore une fois un moyen de me complaire dans un paradis imaginaire, si je réussissais mes projets à quoi cela me servirait-il ? A être fier ? A quoi me servirait cette fierté ? A me sentir bien ? A faire le malin avec mes amis ? Une fois que j’aurais fait tout ça c’est bon ? J’aurais tout accompli ? A quoi bon vivre après ça ? Que ferais-je ? Des occupations de retraité ? Je jouerais au scrabble toute la journée ? Je lirais, je ne pratiquerais que des loisirs ? Mais à quoi bon ? Pourquoi ne mettrais-je pas fin à mes jours ? Parce que je tiens à ma vie ? Mais pourquoi est-ce que je tiens à elle si plus rien n’est à accomplir ? A quoi bon vivre ? A quoi bon accomplir des objectifs si rien n’est à la clé ? Mais qu’est-ce qui pourrait venir après un succès ? Rien. Voila, rien, je vis maintenant, je réfléchis maintenant, j’écris ces lignes maintenant mais pourquoi ? Pour rien, je le fais simplement par devoir, une vertu que la société et mes parents ont essayé de m’inculquer tant bien que mal. Les gens disent que la différence entre les humains et les animaux est que l’animal agit par instinct, l’animal n’a pas de notion de succès et rarement d'individualisme mais l’Homme n’est-il pas pareil ? Nous agissons par instinct, c’est notre instinct, c’est notre nature qui nous fait dire qu’on est différent. Mais qui est le créateur de cet instinct ? La nature ou la société dans laquelle nous évoluons ? La société nous dit qu’il faut être utile, nous pensons que c’est normal mais est-ce vraiment normal ? L’objectif de tout le monde est d’avoir un métier plaisant plus tard, un métier dont ils seraient fier mais un métier c’est quoi ? C’est un outil créé par la société pour assurer la prospérité de l’Homme, le but de tout le monde c’est de faire quelque chose qu’on nous a inculqué. La nature est remplacée par la société. Je ne saurais dire tout ce que j’ai pensé, tout ce que j’ai imaginé en deux heures, le cerveau de l’Homme éveillé est semblable à celui de l’Homme qui rêve, un rêve qui peut donner l’impression d’avoir duré plusieurs heures peut en réalité avoir duré deux secondes dans le monde physique, l’Homme peut penser à une vitesse phénoménale comme il peut avoir une pensée par heure. Imaginez le cerveau, comment peut-il stocker toutes ces informations, vous voyez-vous en tant que morceau de chair possédant des souvenirs ? Non, vous ne savez pas ce que vous êtes et vous ne le saurez jamais, vous pourrez émettre des hypothèses mais vous mourrez avant d’avoir trouver la réponse. La vie est une énigme sans réponse, on peut savoir comment cuisiner un brownie au chocolat mais pas comment fonctionne la vie.

Ces deux heures de réflexions intensives (ou presque) ont certes étaient bénéfiques mais je ne pense pas avoir atteint de nouveaux sommets en terme de réflexions, l’Homme ne peut ou aura du moins beaucoup de mal à se remettre en question seul, la mauvaise foi et née de ça, née du fait que beaucoup d’Hommes ont du mal à accepter qu'autrui puisse avoir raison, née du fait que beaucoup d’Hommes ont du mal à accepter que leurs propres pensées peuvent être fausses et non légitimes.

Amin

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